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Les banques américaines veulent-elles la peau de Tesla ? Rédigé par Philippe Schwoerer le 13 Mar 2015 à 00:00 0 commentaires

Est-on condamné d’avance à faire faillite lorsqu’on est un constructeur automobile vraiment novateur et original ? On serait tenté de le croire en croisant l’histoire industrielle avec les récentes déclarations de la Barclays et de la Bank of America Merrill Lynch, consécutives à la communication du dernier rapport de Tesla à l’incontournable gendarme de la bourse américaine. La première croit avoir mis au jour 3 problèmes majeurs dans le document, et un analyste de la seconde prédit, ni plus, ni moins, qu’un effondrement à terme de la firme.

Un peu d’histoire

En France, au milieu des années 1930, André Citroën s’est retrouvé dépossédé de son entreprise alors qu’il introduisait sur le marché la fameuse Traction qui la fera se redresser, lui permettant 20 ans plus tard d’accoucher d’un ovni : la fameuse DS dont on fêtera cette année, en octobre, les 60 ans du lancement. Nous sommes en 1955. De l’autre côté de l’Atlantique, bien plus près géographiquement d’Elon Musk, dirigeant de Tesla, Preston Tucker n’a plus qu’un an à vivre. Il est ruiné : la Commission des valeurs mobilières et du change a lâché un projet qu’elle jugeait devenu techniquement trop différent des plans de départ. Nouveau saut de puce de 20 ans, facilité par ce qu’on peut faire d’une DeLorean selon le cinéma américain. Le premier prototype de la DMC-12 se hisse déjà sur ses roues, pas toujours indispensables pour effectuer un « Retour vers le futur ». Une « stupéfiante » faillite la range fin 1982 au musée des modèles géniaux trop tôt disparus. John DeLorean aurait voulu sauver son entreprise en revendant de la drogue. Nous n’en sommes heureusement pas là pour Tesla !

Un stock qui pèse sur la trésorerie

Réelles difficultés invalidantes ou adaptations nécessaires et salvatrices pour la poursuite effrénée de l’activité de Tesla ? Chacun pourra se faire sa propre opinion et juger s’il convient ou non de s’alarmer au point de faire redescendre énergétiquement la valeur du titre, emporté vers les sommets lorsque la Model S a été sacrée « Voiture de l’année » par le magazine automobile Motor Trend. La Barclays s’étonne sur 3 points. Tout d’abord, Tesla ne produit plus ses voitures à la demande, mais compte disposer d’un stock suffisant pour en équiper ses showrooms à travers le monde. Des modèles d’occasion seront également proposés. Permettre à un client de rentrer tout de suite chez lui avec la voiture de son choix est commercialement intéressant. Supporter un parc prêt à partir demande d’être financièrement solide. C’est ce qu’estime, à raison, la banque britannique.

La priorité des investissements

Autre sujet d’inquiétudes selon la Barclays, l’orientation des investissements. Elle pense que Tesla devrait privilégier la Gigafactory qui lui permettrait de disposer de batteries à un coût inférieur, rendant possible la réalisation d’une berline plus accessible, la Model 3. Cette dernière ne semble pas être devenue la priorité du constructeur de Palo Alto, qui a dernièrement misé davantage sur l’amélioration de la S et la prochaine introduction de la X. Est-ce finalement une aberration ? Non, si l’on considère la Model S Dual Motor comme une nouvelle voiture à part entière, prompte à générer de nouvelles ventes plus en haut du marché premium. Non également pour que la production soit totalement débarrassée d’anciens soupçons concernant les risques d’incendie. Quant au SUV dont les portes arrière s’ouvriront en élytre, l’établissement bancaire pense savoir que son prototype de pré-production est prêt, envisageant aussi que les travaux sur la Model 3 sont suffisamment avancés. Où doit-on ici voir un problème majeur ?

Prépaiements

La banque britannique souligne aussi la possibilité pour la clientèle d’effectuer des prépaiements, entre la commande et la livraison. On peut voir dans cette facilité deux avantages. Le premier pour le client qui adoucit en quelque sorte, un peu à la manière d’une épargne, le versement du prix intégral pour le modèle choisi. Le second, pour Tesla, qui va disposer en avance d’une partie du fruit des ventes à venir. Un bon moyen, sans doute, pour supporter financièrement en partie, sans doute bien trop petite, le stock des véhicules mis en exposition dans les showrooms. Mais la Barclays y voit un inconvénient majeur : une moins bonne lisibilité de l’activité commerciale du constructeur. Cette difficulté ne révèle pas pour autant une faiblesse de l’édifice Tesla.

Effondrement massif

Au final, les déclarations alarmistes de la banque britannique ressemblent un peu à des pétards mouillés dont nous n’avons pas grand chose à craindre, sauf s’il s’agissait pour Tesla de chercher à rendre plus opaque sa comptabilité. Du côté de Merrill Lynch, en revanche, l’attaque est plus directe et pesante, un de ses analystes, John Lovallo, agitant le spectre d’un effondrement massif. Il fait partie des plus pessimistes au sujet du constructeur de Palo Alto, répandant l’idée que le cours de l’action ne devrait pas se négocier à plus de 65 dollars, quand les plus optimistes placent la barre vers les 400. Aujourd’hui, le titre, en chute, se situe autour des 190 dollars. Entre les 2 extrêmes, la relativisation est de mise concernant un hypothétique chaos dans lequel pourrait sombrer l’entreprise dirigée par Elon Musk.

Décote du titre

Toutes les banques d’affaires ne se montrent pas alarmistes concernant les perspectives de Tesla, même si elles ont quelques difficultés à l’envisager autrement que comme un constructeur installé durablement sur un marché de niche. Sans être radicales, elles se prononcent aussi pour une décote du titre, autour de son actuelle valeur. Cette prise de position ne fait d’ailleurs que rejoindre celle d’Elon Musk qui lui trouvait un cours trop élevé à plus de 290 dollars, souhaitant surtout s’entourer d’investisseurs solides prêts à s’engager sur le long terme, plutôt que de spéculateurs peu intéressés par ce qu’il cherche à réaliser.

De lourds besoins en capitaux

Pour la Bank of America Merrill Lynch, Tesla aurait « réussi à compenser un flux régulier de mauvaises nouvelles et de faibles résultats financiers en fixant des objectifs à long terme ». Les investisseurs pourraient se lasser, et surtout perdre confiance si la trésorerie de l’entreprise se réduisait dangereusement. Ceux qui prédisaient la disparition de Tesla, alors en phase de démarrage, savent qu’ils se sont trompés. Pour autant, ils ne versent toujours pas dans l’enthousiasme aujourd’hui. Les importants projets d’Elon Musk nécessitent de lourds capitaux dont la disponibilité est encore incertaine.

Condamné à réussir

Quoi qu’il en soit, la poursuite des ambitieux projets de Tesla passe obligatoirement par la confiance de tous les acteurs qui peuvent les soutenir. Au moment où le constructeur s’apprête à étendre sa gamme de modèles, il est important que les oiseaux de mauvais augure s’en tiennent aux faits. Elon Musk est un personnage énigmatique qui a prouvé à maintes reprises qu’il savait se mobiliser et mobiliser les autres afin de transformer ses paris que beaucoup ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre. A son stade de développement, hissant en partie sur ses épaules le marché mondial du véhicule électrique, Tesla est condamné à réussir, quitte à modérer ses ardeurs. Une de ses plus belles satisfactions : avoir entraîné les plus grands constructeurs allemands sur son terrain, celui de l’électromobilité. En cas de disparition, il resterait au moins cet héritage !

Sources :
uk.businessinsider.com/barclays-problems-in-tesla-10-k-2015-3
uk.businessinsider.com/bank-of-america-is-predicting-a-massive-tesla-collapse-2015-2

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