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Interview de Philippe Pinoli : le réseau de recharge de la Riviera Française Rédigé par Camille LEHOUX le 06 Juin 2024 à 14:08 0 commentaires

Nous sommes allés à la rencontre de Philippe Pinoli, directeur du Service Transport de la Communauté d’Agglomération de la Riviera française (CARF), dont le siège se situe à Menton dans les Alpes-Maritimes. Nous souhaitions faire un point sur le réseau de bornes de recharge mis en place depuis 2019.

Pourriez-vous nous expliquer votre rôle et votre parcours ?

Je suis en charge de la mobilité  et des transports au sein de la CARF qui est une intercommunalité de 15 communes, d’environ 74 000 habitants, entre la frontière italienne et Monaco. La mobilité est une compétence que nous assurons, afin de faciliter les déplacements quotidiens des habitants notamment au sens de la loi LOM.

Les transports, c’est ma vie ! J’ai toujours travaillé dans ce domaine. Mon père était cheminot. J’ai fait des études dans le domaine du transport, puis j’ai travaillé dans les transports ferroviaires. Mon métier aujourd’hui, c’est d’organiser les transports du quotidien, notamment des bus et des autocars, et en collaboration avec les autres AOM, dont la Région pour les TER et leurs lignes interurbaines.

J’ai la chance de travailler dans un contexte unique en France puisque je travaille entre deux pays : l’Italie et Monaco. Notre environnement est particulier puisqu’il s’étend du littoral à la montagne à près de 2000 m d’altitude. Le transport ne s’arrête pas à la frontière, les habitants travaillent dans les trois pays. Ce métier est donc très original.

Pourriez-vous nous faire un historique rapide du projet de déploiement de vos IRVE ?

Dans les faits, c’est une idée qui vient des élus. Je ne connaissais pas le sujet donc je m’en suis emparé. En 2018, j’ai commandé une étude auprès du bureau d’étude Solstyce qui nous a aidé à nous positionner. A partir de là, nous avons fait le choix de lancer un appel d’offre pour installer des bornes de 36 kVA sur l’espace public. Ce sont des bornes « court-séjour » afin de recharger en 2 heures les batteries des véhicules de cette époque (fin 2018). Nous étions partis sur un ratio de 25 bornes en nous basant sur les travaux de l’ADEME (1 borne pour 3 000 habitants). Ce qui signifiait une borne minimum par commune, et également 8 bornes pour Menton, la ville principale de 30.000 habitants et 3 pour Roquebrune-Cap-Martin et Beausoleil, deux communes de plus de 12.000 habitants. Enfin, nous avons fait le choix original de proposer un réseau gratuit. Cela devait permettre d’inciter les administrés à passer à l’électrique.

Concernant l’implantation des bornes dans l’espace public, nous avons soumis nos demandes au maire de chaque commune puisque la CARF ne possède pas de foncier. Les communes ont transféré cette compétence à la CARF pour permettre le déploiement du réseau.

Il s’est s’est parfaitement déroulé. Enedis a mobilisé un ingénieur spécialisé. Le lancement s’est déroulé en 2019 avec un test en live, lors de l’inauguration. Nous avions même branché les haut-parleurs liés à l’évènement sur la borne.

Qu’est-ce qui a été déterminant pour proposer ces recharges gratuitement ?

Mon étude préalable comportait une proposition de tarification. En effet, l’étude elle-même représentait un certain coût qui s’ajoutait au coût d’investissement (achat des 26 bornes) ainsi qu’aux coûts d’entretien, de supervision ou encore aux coûts de l’énergie et de l’abonnement. Le choix politique a toutefois été de proposer ce service gratuitement.

borne du réseau de la CARF

Nous vous avions interrogé en 2020 et vous aviez un retour déjà très positif de votre déploiement. 4 ans après, quel bilan faites-vous et quelles perspectives avez-vous pour ce réseau ?

Ce bilan est positif ! 26 bornes doubles, c’était peut-être un peu trop ambitieux au début. Avec le temps, nous en avons toutefois racheté rapidement 11 autres. En effet, nous avons eu des opportunités grâce à un programme européen (déploiement subventionné à hauteur de 85%) qui a permis de financer 8 des 11 nouvelles bornes.  Malheureusement, l’une d’entre elles a été sinistrée par la tempête Alex et nous demeurons depuis à 36 bornes.

Si le déploiement s’est bien passé notamment grâce à l’accompagnement d’Enedis, l’entretien et la maintenance réalisés par notre premier opérateur n’étaient pas à la hauteur de nos attentes. Au terme du contrat de 4 ans, un nouvel appel d’offre a été lancé en 2022.

Le marché actuel a été attribué à EVZen qui dépend de la SMEG (Société Monégasque de l’Electricité et du Gaz). Nous sommes très contents de notre nouvel opérateur, réactif en termes de vitesse d’intervention, de proximité et de connaissance du territoire, cela facilite les choses.

Aujourd’hui, le déploiement de nouvelles bornes est gelé après la mise en place d’une tarification au 1er janvier 2024. Nous attendons de connaître les résultats de fréquentation avant d’envisager de mettre de nouvelles implantations.

Justement, en parlant de votre transition entre ces deux opérateurs, que pourriez vous dire aux collectivités dont les contrats arrivent à échéance ? Quels points de vigilances voudriez-vous mettre en avant ?

Ce n’est pas au moment du changement qu’il faut s’en préoccuper. Il faut absolument inclure les conditions de changement dans le contrat. Notamment au niveau de la propriété des données. Nous avons par exemple, acheté 1000 badges pour nos 1000 premiers clients et au moment du changement d’opérateur, j’ai découvert que si nous voulions continuer à utiliser ces badges, nous devions payer un euro par recharge à l’ancien opérateur ! Il faut absolument tout anticiper pour éviter d’impacter les utilisateurs. Parfois, l’opérateur peut même repartir avec la marque du réseau ! Pour continuer à utiliser cette marque, il faut racheter les droits d’utilisation. Je souhaite que mon expérience puisse servir aux autres et leur évite de mauvaises surprises.

Mise en place d’une tarification de 2,50€/heure en journée et 1€/heure la nuit. Pourquoi avez-vous fait le choix d’une tarification à l’heure et pas au kWh consommé ?

Techniquement, il y a 3 solutions : le temps, l’électron consommé et l’hybridation des deux premières solutions. Pour l’électron, vous payez ce que vous consommez mais que se passe-t-il quand la voiture est chargée pour libérer la place? La facturation au temps encourage la rotation et donc un meilleur service pour l’ensemble des usagers. Sur la Côte d’Azur, il est nécessaire de prendre en compte l’occupation de l’espace public. C’est pour cette raison que nous avons opté pour la tarification au temps. La 3e possibilité est la solution parfaite, mais techniquement nous devions faire des transformations au niveau de nos bornes à hauteur de 500 € chacune. Pour le moment, nous préférons tester la facturation au temps même si nous savons qu’il y a une inégalité entre les usagers car la vitesse de charge dépend du type de véhicule qui charge plus ou moins vite.

Au niveau du projet dans sa globalité et avec presque 5 ans de recul, quels seraient pour vous les points de vigilance et les erreurs à ne pas commettre ?

Mon conseil d’ami pour un collègue qui se lancerait sur ce sujet, ce serait d’abord de bien soigner l’étude préalable, de ne pas se jeter sur les emplacements sans ce prérequis, de bien lire son contrat et de prévoir le « contrat d’après », notamment en termes de propriété des données et enfin être « courageux » sur les coûts d’implantation. Il ne faut pas hésiter à échanger avec les maires pour le choix des emplacements afin de diminuer les coûts. Si vous passez à plus de 30 m du point de livraison électrique, vous pouvez être confronté à un coût de 60 000 euros pour le raccordement. Il faut bien penser à cela pour maitriser les coûts.

Enfin, je sais que c’est difficile politiquement mais choisir de mettre une borne par commune, dans les communes rurales, ce n’est pas forcément opportun à court terme. Nous l’avons fait mais nous n’avons que 15 communes. Certaines bornes peuvent être sous-exploitées alors qu’il y a de vrais besoins ailleurs.

Enfin, je pense qu’il est préférable de prévoir une tarification dès le début ainsi que l’interopérabilité. Il faut que ce soit aussi fluide qu’une station-service.

Je conseillerais tout ça à mon « moi » de 2018.

RDV dans un an pour voir les résultats de tous ces changements !

 

Merci à M. Pinoli pour le temps qu’il nous a consacré et l’accueil qu’il nous a réservé. Le RDV est pris !

 

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EVzen by SMEG

10 avenue de Fontvieille

98000 Monaco


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