L’Avere-France et la section de France Hydrogène pour la mobilité ont réalisé une étude permettant de comprendre pourquoi seulement une centaine d’autocars électriques à batterie ou à pile hydrogène sont en circulation en France. Les deux associations alignent quelques préconisations pour y remédier.
A horizon 2030, tous les autobus neufs vendus en France devront embarquer une motorisation sans émission, ce qui limiterait le choix entre les modèles électriques à batterie et ceux fonctionnant à l’hydrogène. En janvier 2022, ils étaient déjà 1 500 unités dotés d’une telle architecture mécanique à circuler dans les zones urbaines de l’Hexagone.
Avec plus de 66 000 véhicules, la flotte des autocars est deux fois plus grande. Pourtant, seulement une centaine d’unités étaient animées par un moteur électrique. « Un constat éloquent que France Hydrogène et l’Avere-France veulent faire évoluer », peut-on lire dans l’édito du document de 48 pages.
« Quelles sont les raisons de la faible adoption à date de véhicules zéro émission sur le segment des autocars ? Quels sont les besoins et perspectives en France pour accélérer cette transition ? » : Telles sont les deux questions qui ont permis de bâtir cette enquête intitulée « La transition de l’autocar vers des technologies zéro émission ». La démarche s’inscrit dans le projet européen Jive 2 qui prolonge le programme Joint Initiative for hydrogen Vehicles across Europe.
Pour moitié, les autocars effectuent un service régulier sur des lignes interurbaines et parfois entre des métropoles de régions différentes. Pour les 33 000 véhicules concernés, le kilométrage journalier se situe entre 150 et 400 km, soit 30 000 à 80 000 km à l’année. Suivent 26 500 autocars (40 %) pour le transport scolaire qui avalent une moyenne de l’ordre de 25 000 km entre septembre et juin.
Comme pour les lignes régulières, le transport scolaire relève de l’autorité des régions, en s’appuyant sur 3 000 entreprises privées. A elles seules, les filiales des groupes Keolis, Transdev, et RATP Dev pèsent 27 000 unités sur les 61 000 véhicules qui n’appartiennent pas à des établissements publics.
Les autocars de tourisme ne représentent, eux, qu’une part de 9 % avec un parc de 6 000 engins entre les mains d’opérateurs qui répondent par exemple à des demandes de déplacements formulées par des agences de voyages, des tour-opérateurs, des associations, des entreprises, des établissements scolaires, etc. Avec des parcours qui peuvent s’étendre sur 700 km à la journée, les véhicules peuvent encaisser entre 20 000 et 100 000 km à l’année. C’est toutefois moins que les 80 000-250 000 km des 500 Flixbus et BlaBlaCar Bus.
Au 1er janvier 2022, 98 % des autocars en circulation en France étaient gavés au gazole, contre 1,87 % au GNV/bioGNV. L’électrique à batterie ne pesait que 0,10 %, contre 5 % pour les autobus. Ces derniers résultent d’une « loi française qui impose aux collectivités des unités urbaines de plus de 250 000 habitants d’intégrer 25 % d’autobus électriques à batterie ou à hydrogène dans leurs renouvellements depuis juillet 2022 ». Une part qui sera relevée à 50 % à partir de 2025.
Sans obligations similaires, les opérateurs qui exploitent des autocars formulent peu de demandes pour des modèles électriques. Les constructeurs européens se préoccupent peu de proposer de tels déclinaisons, laissant le champ libre à leurs homologues asiatiques. Pourtant la décarbonation de ces véhicules est tout autant essentielle « pour atteindre les objectifs de réductions des émissions de gaz à effet de serre, et notamment la neutralité carbone à horizon 2050 ».
Les rédacteurs de l’étude avancent cependant différentes initiatives et réglementations qui poussent déjà naturellement à convertir à l’électrique les flottes d’autocars. Ainsi le développement des zones à faibles émissions, le règlement CO2 ciblant les constructeurs, la directive RED II (Renewable Energy Directive), l’Afir qui s’intéresse en particulier au déploiement des infrastructures d’avitaillement en énergie et les normes Euro.
Concernant les autocars électriques à batterie, Iveco est le seul constructeur européen identifié par les rédacteurs de l’étude. Doté d’une batterie de 416 à 485 kWh, son Crossway (ici en version Low Entry) affiche une autonomie jusqu’à 400 km. Le modèle (en version entrée normal) sert de base à deux spécialistes du rétrofit qui promettent 150 km de rayon d’action : avec un pack lithium-ion 192 kWh pour Retrofleet, mais 230 kWh pour Greenmot.
Avec 200 à 280 km de rayon d’autonomie, les modèles chinois BYD C9 et Yuton ICe 12 sont présentés comme les plus polyvalents, pouvant être exploités pour le transport scolaire, l’interurbain, le tourisme et même, concernant ce dernier, pour les opérateurs de type Flixbus. L’alternative vient du constructeur turc Temsa qui aligne en France, comme Yutong, deux modèles. Il s’agit des MD9 ElectriCity et LD SB E. Ce dernier est crédité de 350 km au mieux sur une recharge, autorisant son exploitation pour le tourisme.
Irizar, et Temsa en collaboration avec CaetanoBus, ont annoncé pour l’année prochaine des électriques à pile hydrogène capables de parcourir jusqu’à 1 000 km avec un plein. Contre 575 km pour le Territo H2 d’Otokar. Nomad Car, GCK et Safra jouent la carte du rétrofit, sur la base du Mercedes Intouro pour ce dernier, et Iveco Crossway pour les deux autres.
En plus du temps pour le ravitaillement en énergie, c’est surtout les besoins en autonomie qui peuvent orienter le choix vers l’une ou l’autre solution. Avec au plus 200 km par jour en général (58 % moins de 100 km, et 37 % entre 100 et 200 km), le transport scolaire est bien adapté aux caractéristiques des électriques à batterie. A l’opposé, avec le plus souvent plus de 300 km à parcourir à la journée, les autocars pour le tourisme ou les lignes de type flixbus et BlaBlaCar Bus devront être échangés par des modèles à pile hydrogène.
Concernant les lignes régulières interurbaines qui dépendent des régions (15 % moins de 100 km par jour, 19 % entre 100 et 200 km, 30 % de 200-250 km, 36 % au-delà de 250 km), le remplacement par des véhicules ZE devra être étudié au cas par cas, avec la possibilité d’envisager les deux architectures lorsque le kilométrage journalier maximum sera compris entre 200 et 300 km.
D’autres facteurs sont également à prendre en considération, pouvant éliminer l’une ou l’autre des deux solutions : surconsommation par le froid l’hiver ou par les dénivelés, conditions de ravitaillement en énergie. Selon les projections des rédacteurs de l’étude, 36 000 autocars actuellement en service en France pourraient être remplacés par des modèles électriques à batterie, et 15 000 par des versions à pile H2. Il resterait 15 000 unités pour lesquelles les deux architectures sont à considérer.
Dix régions ont été contactées pour évaluer l’importance qu’elles accordent à la conversion au zéro émission de leurs flottes d’autocars : Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire, Guadeloupe, Hauts-de-France, Ile-de-France, Martinique, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Deux ne se prononcent pas sur ce sujet pour l’instant et une n’y accordent pas d’importance. A l’autre bout, d’autres considèrent que ce sujet est important et même très important. Toutefois la conversion maximale ne serait envisagée que si le TCO est au maximum supérieur de 10 % à celui des diesel. Sinon la part tombe entre 40 et 60 % si le surcoût est de 25 %, et au mieux à 20 % si le TCO est supérieur de 50 %.
C’est le volet budgétaire qui coincera donc le plus souvent à l’heure de convertir les flottes, y compris pour les territoires les plus ouverts. D’autres freins ont également été identifiés. Ce sont principalement l’offre des constructeurs et l’autonomie limitées qui coincent pour l’électrique à batterie. Concernant l’hydrogène, sont pointés plus particulièrement la maturité technologique, l’offre en véhicules, le surcoût de l’hydrogène, le manque de structures d’avitaillement sur les trajets, et le coût d’une station.
Appelant à la mise en place de mécanismes de soutien, l’Avere-France et France Hydrogène mettent en avant : « En l’absence d’incitations ou d’objectifs contraignants, ainsi que de supports financiers suffisants, les régions, autorités organisatrices pour la majeure partie des autocars, envisagent encore peu le zéro émission sur le court à moyen terme – alors même que les enjeux de décarbonation sont au cœur de leurs priorités ».
Parmi les leviers à activer pour faire évoluer favorablement la situation : 1 – « Renforcer ou mettre en place des règlementations ambitieuses et alignées incitant au déploiement d’autocars zéro émission » ; 2 – « Encourager les développements de la filière par la publication d’une feuille de route nationale plus ambitieuse pour la mobilité zéro émission, contribuant à offrir une perspective claire du développement du marché aux constructeurs, opérateurs et donneurs d’ordres » ; 3 – « Mettre en place des mécanismes de soutien à l’investissement dans les autocars zéro émission, nécessaires dans la phase d’amorçage pour les deux technologies » ; 4 – « Assurer une visibilité sur les leviers de réductions du prix du carburant, sur l’hydrogène comme l’électricité ». 5 – « Mettre en place des conditions de marchés favorisant la transition des opérateurs, notamment via l’allongement des durées de contrats et la mise en place de critères de sélection adaptés ». 6 – « Accélérer le déploiement des infrastructures publiques de recharge électrique et d’avitaillement en hydrogène, en ligne avec les prescriptions de l’Afir ».
INFOS
Avere-France
5, rue du Helder
75009 Paris
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