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Véhicules électriques : Ces chargeurs rapides peuvent être dangereux Rédigé par Philippe Schwoerer le 19 Fév 2021 à 00:00 0 commentaires

Nous vous informions il y a quelques jours de l’installation en Allemagne du premier chargeur rapide pour véhicules électriques couplé avec une unité de stockage formée de plusieurs volants d’inertie. A la suite de notre article, André Gennesseaux, grand promoteur et spécialiste de ces équipements, et directeur général et technique d’Energiestro qui oeuvre dans le domaine, a émis des réserves sur la sécurité d’une telle architecture. Nous avons souhaité approfondir avec lui le sujet. Ce qu’il souhaite, c’est que les porteurs de tels programmes prennent la bonne mesure des risques et adoptent les bonnes solutions de sécurité.

La solution de Chakratec

Chakratec a opté pour des alignements de volants d’inertie dans un conteneur. Un choix que la startup israélienne justifie pour 2 raisons. D’abord « ne pas avoir à tirer un câble de grande puissance » jusqu’à la borne. Ensuite pour se passer d’un stockage par batteries lithium-ion qui présenterait « un risque d’incendie » et poserait le problème « du devenir en fin de vie de substances chimiques toxiques et polluantes ». Chacun de ces volants d’inertie tourne sous vide, dans un boîtier réalisé en acier. Un ensemble volant-boîtier pèse 150 kg. Ces accumulateurs tournent en accélérant progressivement quand ils reçoivent du courant provenant du réseau électrique. A pleine vitesse, cette solution permet de recharger simultanément à 50 kW 2 véhicules électriques. Une opération qui ralentit les volants. Il faut alors attendre 45 minutes pour ravitailler en énergie 2 nouvelles voitures.

Une solution intéressante ?

Indépendamment du problème de sécurité, une architecture du type de celle développée par Chakratec est-elle intéressante ? « C’est une solution qui fonctionne. Nous avions regardé ce sujet avec des électriciens : elle permet d’obtenir des recharges très rapides sur des sites où l’on ne peut pas tirer un câble de forte puissance », confirme André Gennesseaux. « Nous nous posions la question de parvenir à rentrer de l’énergie dans une batterie à une vitesse équivalente au remplissage d’un réservoir d’essence. On compte 1 seconde par litre de carburant. Un litre représente 10 kWh d’énergie. Transposer ces chiffres aux voitures électriques reviendrait à faire le plein d’un pack de Tesla Model S en 10 secondes », compare-t-il. « En imaginant des batteries compatibles, des volants d’inertie pourraient permettre de se rapprocher de ce scénario. Il resterait cependant 2 inconvénients. Tout d’abord un temps important pour qu’ils retrouvent leur vitesse de service après avoir été exploités pour recharger des batteries. Un coût très élevé qui ne permettrait pas d’atteindre la rentabilité. Le client ne serait pas prêt à payer le montant nécessaire. Nous avons abandonné », explique-t-il.

Et l’aspect sécurité ?

« Le stockage de l’énergie n’est pas anodin. Il y a énormément d’accidents dans le domaine, que ce soit avec des barrages hydrauliques, des batteries ou des volants d’inertie. On compte un barrage qui s’effondre dans le monde chaque année, et on trouve des pages entières sur Internet de volants d’inertie qui explosent. Il ne faut pas penser que ça n’arrive jamais », avertit André Gennesseaux. « Les volants d’inertie sont des machines très sollicitées. Qu’ils soient en carbone, en béton ou acier comprenant du nickel, du chrome et du molybdène comme c’est sans doute le cas pour la solution de Chakratec, il y a toujours des défauts, toujours des fissures quelque part. Avec le nombre de cycles, les fissures se propagent », détaille-t-il. « Chakratec annonce d’abord une durée de vie illimitée, ce qui est impossible, puis en plus petit caractères 150.000 cycles. Là, c’est cohérent », rapporte-t-il.

Propagation des fissures

« A partir d’une taille de fissure, par exemple 1 millimètre, et d’une vitesse de rotation, on calcule une intensité de contrainte qui donne une vitesse de propagation du défaut. L’extension ne sera que de quelques microns à chaque cycle. Mais au bout de plusieurs dizaines de milliers de cycles, on atteint l’intensité critique et la cassure », prévient André Gennesseaux. « Des contrôles doivent être effectués régulièrement, de préférence par radiographie ou ultrasons. La technique qu’emploiera vraisemblablement Chakratec pour ce type de disques permet de repérer des fissures de l’ordre du centimètre, mais pas du millimètre », poursuit-il. « Sans sustentation magnétique, avec les meilleurs lubrifiants abordables, il faut changer les roulements à billes tous les ans. Avec sustentation, comme c’est le cas sur les volants de Chakratec, la fréquence de remplacement est de 5 ans, mais il faut quand même prévoir cette opération », estime-t-il.

3 kilos de TNT par volant d’inertie

« L’acier n’est pas un bon matériau pour obtenir des volants d’inertie avec une bonne capacité de stockage dans la durée. Un disque en acier éclate en 3 morceaux avec une énergie cinétique proche d’une explosion. Ces morceaux sont projetés à 800 km/h. Il faudrait une paroi en acier de 10 cm pour les contenir. Ce qui n’est pas le cas ici. Les morceaux perforeraient sans problème le boîtier et les parois du conteneur qui ont des épaisseurs de l’ordre du millimètre », assure André Gennesseaux. « Installer comme ici des volants les uns à côtés des autres sans protection d’absorption fait courir un risque similaire à celui des batteries où une cellule qui s’embrase emporte les autres. Si un volant éclate dans le conteneur, par effet domino, les autres éclateront aussi », alerte-t-il. « La désagrégation d’un tel volant représente une énergie instantanée de 3 kWh, l’équivalent de 3 kg de TNT. Avec 10 disques dans le conteneur, on arrive à 30 kg de TNT », calcule-t-il.

André Gennesseaux © Energiestro

Enterrer les volants d’inertie

« Il faut garantir le danger d’explosion de tels disques, et ne pas penser qu’il n’y a aucun risque, surtout quand ils sont placés dans un lieu public. Une voiture qui percute le conteneur, et c’est l’explosion assurée des volants d’inertie. Il existe bien des réacteurs d’avions qui explosent encore, même en étant neufs. Dans les 2 cas, ce sont des dégâts causés sous une force centrifuge », illustre André Gennesseaux. « Dans le calcul des risques, il faut tenir compte de la probabilité d’occurrence et de la gravité potentielle. Avec les volants d’inertie, l’occurrence est faible, mais la gravité est très importante », précise-t-il. « Il y a une solution très efficace : enterrer les volants avec une distance minimale les uns des autres pour que le sol absorbe l’énergie. C’est facile à réaliser et relativement peu coûteux », préconise-t-il. « En revanche, l’idée de placer les volants d’inertie dans un parking fermé comme à Leipzig, en bas d’un immeuble, est une très mauvaise idée sans des protections suffisamment dimensionnées. Faites une recherche sur Internet avec les mots ‘quantum energy flywheel explosion’ et vous pourrez constater ce que peut provoquer comme dégâts cette technologie dans un bâtiment », invite-t-il.

Volants en carbone ou en béton

« Si les volants étaient en carbone, l’éclatement les pulvériserait en poussière. Il y aurait toutefois une pression énorme qui, pour être contenue, demanderait un coffrage d’une épaisseur de plusieurs centimètres également », évalue André Gennesseaux. « Ce n’est pas un hasard si chez Energiestro nous avons choisi le béton comprimé avec de la fibre de verre. Les volants ainsi réalisés sont beaucoup plus abordables. En cas d’éclatement, par exemple en raison du frottement de la fibre de verre contre la paroi, le béton se désagrègerait. Contre des parois en acier, ce dernier cède toujours », plaide-t-il. « Par ailleurs, enterrer avec un coffrage en béton un cylindre d’inertie ne pose pas de problème et n’est pas exagérément coûteux, il suffit de creuser un puits. Le béton est naturellement résistant aux instabilités. Ce serait plus cher en acier, déjà pour éliminer les risques de corrosion. Il faudrait un carter en acier-inox, on recourir à des traitements antirouille onéreux », compare-t-il.

VOSS

« De notre côté nous arrivons au bout de la phase de recherche pour nos volants de stockage solaire. Avec l’emploi du béton, notre solution amène un coût moins élevé par rapport à un stockage par batteries. En fin de vie, pas de plateformes à détruire comme il faut le faire avec les socles d’éoliennes par exemple. Il suffit de déterrer les VOSS et de remblayer ensuite », schématise André Gennesseaux. « Nous allons passer à une phase bêta en livrant cette année une dizaine de nos volants, identiques à la production en série qui devrait débuter l’année prochaine », se réjouit-il. « Plusieurs énergéticiens seront destinataires de nos VOSS, dont Engie et Voltalia », conclut-il

Pour aller plus loin

Site Internet de Chakratec
Site Internet de Energiestro

L’Avem et moi-même remercions vivement André Gennesseaux pour sa très grande réactivité et le temps consacré à répondre à nos questions de façon très claire et précise.

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