Dans une nouvelle étude, l’ONG Transport & Environment pointe les effets pervers d’un manque en voitures électriques compactes sur les marchés branchés européens.
Dans son étude de 21 pages, T&E ne fait que dire ce que pensent de plus en plus d’automobilistes européens, et en particulier français. A savoir que le marché branché prend du poids et du volume à l’unité. A part les utilitaires comme les Citroën Berlingo, Peugeot Partner et Renault Kangoo, les véhicules électriques de la génération nickel-Cadmium étaient des citadines. Ainsi les Citroën AX et Saxo, Peugeot 106 et Renault Clio.
L’arrivée des accumulateurs au lithium ne s’est pas traduite par une rupture franche il y a une dizaine d’années. Bien sûr, il y a eu la Tesla Model S. Mais elle partageait alors le marché avec les Smart Fortwo, Renault Zoé, C-ZiMiOn (Citroën C-Zéro, Peugeot iOn, Mitsubishi i-MiEV) et Volkswagen e-Up! ensuite dérivée chez Skoda et Seat. En polyvalente, il y avait la Nissan Leaf.
En bref pas de SUV. Et peu de modèles, mais une représentation marquée par des voitures de dimensions contenues. Chacun pouvait croire à l’électromobile en espérant des progrès sur trois axes : des modèles plus abordables grâce à une production en masse, une meilleure autonomie du fait des progrès sur les batteries, et un réseau de recharge plus efficace.
Du côté des batteries, c’est vrai, la densité énergétique des cellules lithium-ion a permis de multiplier les modèles pouvant dépasser réellement les 300 kilomètres de rayon d’action sur le terrain. Même les citadines électriques d’aujourd’hui ridiculisent les 80 km d’autonomie des VE de la seconde moitié des années 1990.
Au sujet de la recharge, les réseaux ont très bien été développés. Avec toutefois des caractéristiques auxquelles les pionniers n’auraient jamais cru en 2015. Ainsi au niveau des prix. Comment imaginer par exemple la recharge 22 kW AC plus chère dans certains territoires que celle à haute puissance proposée par des entreprises privées ? Dans plusieurs départements, se ravitailler en électricité est devenu plus onéreux que de rouler à l’essence ou au gazole en utilisant les bornes accélérées en voirie.
Si les Français n’ont pas toujours besoin d’une véritable occasion pour se plaindre, là, les automobilistes qui n’ont pas un accès à une prise chez eux ne vont pas forcément trop élever la voix. Ils vont simplement continuer à penser que l’électrique ne leur est pas adapté. Dommage ! C’est pourtant eux que tous les acteurs de la filière devraient aller chercher.
Bien des détracteurs du véhicule électrique n’ont même plus besoin de faire d’effort : ils constatent clairement l’évolution du marché. C’est pourquoi la nouvelle étude de T&E est intéressante car elle tire un véritable signal d’alarme. Un des axes que les constructeurs ont largement négligé, c’est le souhait de voir au plus vite des modèles abordables sur le marché branché.
D’où le succès grandissant des modèles chinois comme la MG4 en particulier, et l’obligation de l’Etat de mettre en place des aides parfois faramineuses. Le succès du leasing social en est la preuve concrète. Son guichet a dû être fermé seulement quelques semaines après son ouverture. Sur cette courte durée, Il a été adressé entre trois et quatre fois l’objectif annuel imaginé par les pouvoirs publics. Soit plus de 80 000 dossiers sur 20 000 à 25 000 attendus.
Quelle leçon en tenir ? Que de nombreux automobilistes français ne sont pas hostiles à la voiture électrique, mais que celle-ci est tout simplement proposée trop chère par les habituels constructeurs. Ce qui donne de plus en plus de poids à ceux qui savent encore nourrir le désir automobile en cassant les prix, comme Tesla le fait depuis quelque temps.
Désormais les SUV sont surabondants sur le marché de l’électrique, davantage encore que sur celui des thermiques. Les gros modèles sont ainsi presque deux fois plus nombreux. A l’autre bout, les segments A et B disposent d’une part de 41 % parmi les voitures diesel ou à essence, contre seulement 23 % des électriques. T&E ajoute que le prix moyen d’un VE a augmenté de 39 % ou 18 000 euros depuis 2015, alors qu’en Chine il a chuté de 53 %.
Pour Léo Larivière, responsable transition automobile à l’ONG, « cette stratégie d’électrification par le haut de gamme des constructeurs freine la démocratisation de la voiture électrique ». Ce qu’il traduit par : « Nous n’avons toujours pas assez de modèles électriques accessibles et adaptés aux besoins du cœur de marché ».
Avec comme effet pervers « d’abîmer l’image de la voiture électrique dans l’opinion publique, qui est encore trop souvent perçue comme un produit de luxe ». L’organisme y voit une stratégie de la part de la filière automobile pour « prioriser la production de plus gros modèles, plus chers et plus rentables ».
Transport & Environment a bien noté le planning d’arrivée de modèles à 25 000 euros ou moins. Cette année, il s’agit des Fiat e-Panda, Skoda Elroq, Citroën ë-C3 et Hyundai Casper. En 2025, Renault devrait lancer la Legend et la nouvelle Twingo, en attendant la R5 l’année suivante. Cette dernière devrait alors s’aligner avec une Opel et la Volkswagen ID.2. L’ID.1 arriverait un an plus tard. Entre les deux allemandes, Tesla pourrait intercaler son modèle le plus accessible.
L’ONG salue positivement les annonces effectuées dans ce sens par les constructeurs, tout en regrettant une commercialisation trop timide : « En 2024, seules 42 000 voitures de ce type devraient être produites pour le marché européen, sur un marché de plus de 2 millions de véhicules ». Fait aggravant, les grosses entreprises françaises tardent à adopter les contraintes imposant un quota de véhicules à faibles émissions dans le renouvellement de leurs flottes. Une situation qui a décidé le député Damien Adam à imaginer une feuille de route durcie et des systèmes de pénalité.
Si T&E mêle étroitement le tout, c’est parce que ces sociétés alimentent grandement le marché de l’occasion accessible aux automobilistes particuliers. Le respect des règles aurait permis de trouver des VE plus accessibles par les ménages. La rareté maintient des prix élevés.
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