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Electrique contre thermique : quelle voiture émet le plus ? Rédigé par Philippe Schwoerer le 12 Déc 2014 à 00:00 0 commentaires

De ZE à pire que le diesel !

Les services marketing des constructeurs tendent à attribuer un peu vite la distinction « Zéro émission » aux véhicules électriques, sauf lorsque l’Observatoire du nucléaire s’en mêle et saisit le Jury de déontologie de la publicité. Dans la presse généraliste, on lit régulièrement que le modèle branché serait aussi polluant que son équivalent à essence ou au gazole, voire plus lorsque l’électricité est produite par des centrales à énergie fossile. C’est hélas, encore plus faux, ou tout au moins très incomplet !

Pollution et CO2

Ce qui pose souvent problème dans le discours des détracteurs de la mobilité électrique, c’est une certaine confusion entre les notions de pollution et d’émission en dioxyde de carbone. Dommage qu’elle emporte souvent l’adhésion d’une frange du grand public qui n’est pas en mesure de faire la différence. Certes, les deux sortent, en partie, des tuyaux d’échappement. La pollution est constituée par les gaz nocifs pour la santé et les particules qui naissent de la combustion d’un carburant. Elle peut avoir une responsabilité importante dans les maladies des voies respiratoires et neurodégénératives. Les émissions de CO2, elles, sont cause, pour une partie difficile à quantifier mais importante, du dérèglement climatique.

Vraiment « zéro émission » la voiture électrique ?

Oui, localement, derrière la voiture. Mais non, si on tient compte des moyens de production de l’électricité ou de ceux engagés à la fabrication d’une voiture. A ce jeu, aucun véhicule n’est totalement neutre sur l’environnement, pas même un vélo classique. Petit extrait d’un article publié dans l’édition d’hier de Ouest-France : « En France, pour une voiture électrique, c’est, en moyenne, 50 grammes de CO2 au kilomètre ; en Allemagne (en train d’abandonner le nucléaire), c’est 135 grammes de CO2. Et en Chine, où 80% de l’électricité est produite à partir du charbon, le bilan est catastrophique : 180 grammes au kilomètre ! La même voiture, n’émet que 105 grammes de CO2… ». Ces propos sont signés Jean-Rémy Macchia, diversement connu dans le monde de l’automobile, et notamment pour s’appuyer parfois sur des chiffres plus que fantaisistes lorsqu’il s’agit d’évoquer l’électromobilité. En 2010, il lançait par exemple sur France-Info qu’aux heures de pointe, la voiture électrique émettrait « au moins 600 grammes de CO2 au kilomètre ». Je vous laisse juge !

VE : 50 g / Diesel : 105 g ?

Dire qu’une voiture électrique émet en France 50 grammes de CO2 au kilomètre quand un diesel en rejette 105, c’est peut-être, ou sans doute, s’appuyer sur un raisonnement très incomplet. Car, a priori, en l’absence de détails, d’explications, ou de références, on additionnerait tout de même pour l’une les émissions locales avec celles causées par les moyens de produire l’énergie, et pour l’autre on ne retiendrait que les seuls rejets à l’échappement. Si on veut être complet dans la démarche, il faut ajouter au modèle diesel en situation réelle les émissions de CO2 engendrées par la transformation du pétrole en carburant, l’acheminement dans les stations-service, et peut-être même le transport du brut jusqu’aux unités de transformation. C’est environ 15% de l’énergie finale, selon le « Guide des facteurs d’émissions » publié par l’Ademe. Il faudrait aussi ajouter la part des fluides de lubrification indispensables au fonctionnement du moteur thermique, et le carburant grillé par de nombreux conducteurs en laissant le moteur tourner le temps d’acheter quotidiennement une baguette ou de la sortie des enfants de l’école, etc. Mais faut-il aller jusqu’à l’analyse comportementale des conducteurs ? En bousculant les chiffres, on alourdit ceux des émissions du véhicule diesel de plusieurs dizaines de grammes au kilomètre. En gros, on arrivera pas loin de l’équivalence : 50 grammes pour la voiture électrique, contre 140 pour son équivalent diesel. Ce n’est déjà plus du tout pareil. La voiture électrique conserve donc bien un très net avantage en France en termes d’émissions de CO2, mais aussi, accessoirement, de polluants.

Et ailleurs ?

La Chine, par exemple, s’inquiète désormais très sérieusement de résoudre le problème des émissions en sortie des centrales électriques. Et à ce jeu, à condition de s’en donner les moyens, il sera toujours plus efficace d’agir sur quelques cheminées de grosses installations, plutôt que sur des millions de voitures thermiques.

Polluante la voiture électrique ?

Lors de sa production, on emploie souvent, mais pas toujours, du lithium et des terres rares régulièrement pointés du doigt par les détracteurs du genre. Mais encore une fois, s’arrêter au seul impact de la voiture électrique pour réhabiliter celle à énergie fossile jusqu’à la reverdir un peu, c’est très incomplet. Il ne faudrait tout de même pas oublier les dégâts causés par le pétrole sur les écosystèmes, les populations et la stabilité de diverses régions du monde. On trouverait aussi bien des choses à dire concernant la filière de l’atome. Et, à l’opposé, sur ce que contiennent les systèmes de dépollution, et en particulier les métaux employés dans les filtres à particules installés sur les diesel. La voiture électrique ne fait pas pire à l’échelle mondiale : elle fait ailleurs ! Dans tous les cas, il faut condamner les situations extrêmes. Mais au niveau de l’automobiliste, rouler en France à bord d’une voiture électrique ne sera globalement pas pire, en termes de pollution, que de continuer à faire tourner les pompes à essence. Ce sera même mieux localement et à l’échelle du pays, puisqu’il n’y a pas de rejets nocifs sur son passage.

Se tourner vers demain

Puisque nous avons cité un article de Ouest-France pour démarrer la polémique, exploitons aussi ce quotidien pour le mot de la fin. Son édition du 4 décembre donnait la parole à Jean Gaubert, président du Syndicat départemental d’énergie des Côtes-d’Armor : « Il faut proposer à nos enfants autre chose que des voitures qui produisent des rejets dangereux. C’est vrai que l’électricité provient du nucléaire aujourd’hui, mais la loi de transition énergétique développe les énergies renouvelables. Je ne me situe pas aujourd’hui, mais dans vingt ans ». Et c’est bien de cela qu’il s’agit au final : envisager et préparer la mobilité de demain.

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