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Bornes de recharge : Un défi pour les collectivités locales 1/2 Rédigé par Philippe Schwoerer le 20 Déc 2018 à 00:00 0 commentaires

Avec seulement 1,2% de modèles électriques sur 39 millions de véhicules en circulation en France, la route est encore longue pour répondre à l’objectif 2040 de supprimer les ventes de voitures neuves alimentées à l’essence ou au gazole. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) avait organisé fin novembre dernier une audition publique ouverte à la presse et intitulée « Les collectivités locales face au défi du déploiement des infrastructures de recharges des véhicules électriques ». La première table ronde était consacrée à un état des lieux des maillages.

Depuis 2010

Délégué ministériel au développement territorial de l’électromobilité et chef de projet du programme industriel électromobilité auprès du ministre de l’Economie et des Finances, le préfet Francis Vuibert a ouvert les présentations avec un ensemble de chiffres. « L’engagement de la France qui remonte à 2010, vu au départ comme une singularité hexagonale, est aujourd’hui devenu mondial », a-t-il expliqué en citant la loi du 2 juillet 2010 qui a donné compétence aux communes pour développer des réseaux de recharge. Ont suivi les premiers accompagnements financiers de 2011 et 2013 pour l’achat et l’installation des bornes.

1 PDC pour 6,7 VE

Le préfet a mis en parallèle les parcs de juillet 2012 et de novembre 2018, respectivement composés de 1.800 et 23.318 points de recharge identifiés et accessibles au public. Situation actuelle : 1 point de recharge pour 6,7 véhicules électriques en circulation en France. A comparer avec le ratio préconisé par la directive européenne de 2014 sur les carburants : 1 point de recharge pour 10 véhicules électriques.

70 départements maillés

Selon une analyse de septembre 2018, 67% des stations de recharge ouvertes au public ont été aménagées par des collectivités territoriales, en particulier des syndicats de l’énergie, avec le concours de l’Etat dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA). A ces chiffres, s’ajoutent 4% de stations pour lesquelles des collectivités territoriales n’ont pas bénéficier de cette aide. Le préfet Vuibert rapporte que ce sont ainsi 70 départements métropolitains qui disposent ainsi d’un maillage de recharge pour véhicules électriques. Des réseaux que complètent ceux formés par un certain nombre d’opérateurs privés parmi lesquels des concessions en automobiles, des enseignes de la grande distribution, et des gestionnaires de parking.

Des zones blanches en diminution

En comptant sur d’autres territoires qui se sont engagés plus récemment, le préfet Francis Vuibert assure que les zones blanches continuent de diminuer. « J’ai identifié 7 départements pour lesquels je n’ai pas connaissance d’un projet d’installation de bornes », précise-t-il. Sur les autoroutes, après l’achèvement du programme initial Corri-Door, de nouvelle stations apparaissent, avec un objectif de 200 nouvelles ouvertures d’ici à 2022. Le délégué ministériel a ensuite communiqué quelques chiffres diffusés par Enedis concernant des points de recharge privés : 91.800 ont été installés dans les entreprises, en particulier pour alimenter les flottes, et 68.900 chez les particuliers.

Exemple du Maine-et-Loire

Président de l’association des maires de France du Maine-et-Loire et du syndicat intercommunal d’énergies du même département (SIEML), Jean-Luc Davy était venu dresser le bilan du réseau ouvert sur son territoire. Le maillage compte 186 bornes 22 kW bridée à 18 kW pour des raisons tarifaires + 10 bornes rapides qui disposent d’un lecteur intégré de cartes bancaires. Un badge spécifique permet également de débloquer la recharge qui est facturée au temps, moins de 4 euros pour une heure de connexion. L’élu a souligné que sur son territoire, « 80% de l’itinérance entrante vient de ChargeMap ». Sodetrel-Izivia a installé 3 bornes rapides dans le Maine-et-Loire, dont 2 sur des aires d’autoroute, et une sur un parking de Beaucouzé, en périphérie d’Angers. Le consortium allemand Ionity a ouvert une station de 6 chargeurs 100 kW Combo CSS à proximité sur une aire d’autoroute. Tesla s’apprête à en faire autant avec sa solution maison, à proximité de l’échangeur entre les autoroutes A11 et A87.

Equilibre économique introuvable

Jean-Luc Davy déplore un équilibre économique introuvable. D’un côté 2,3 millions d’euros d’investissements auxquels il faut retrancher les subventions du PIA (50% pour les bornes 22 kW et 30% pour les bornes rapides) et de la région des pays de la Loire. A cela s’ajoute un budget annuel de fonctionnement : 100.000 euros pour l’exploitation + 50.000 euros en frais de communication. De l’autre côté de la balance, pas plus de 30.000 euros de recettes pour 2018. Directeur général des services du SIEML, Emmanuel Charil s’étonne de la différence entre la situation d’aujourd’hui sur le terrain et les estimations qui avaient été faites, en 2014, pour 2018. Le nombre de véhicules électriques est passé entre ces 2 années de 400 à 2.000 unités (contre 2.600 attendus). A ce niveau, le retard n’est pas trop important, mais le DG note des disparités de pénétration des VE selon les types de territoire, avec le taux le plus élevé (3%, contre une moyenne de 2%) dans les zones les plus rurales.

Pas le compte en abonnés…

Emmanuel Charil a remarqué que « le développement des ventes de voitures électriques est corrélé au rythme des déploiements des réseaux. Le taux de pénétration le plus élevé correspond au premier territoire à avoir inauguré une borne, le moins élevé se situe dans le dernier ». Ce qui choque le plus le DG, c’est le nombre d’abonnés qui n’est pas au rendez-vous. Dans ses projections, le SIEML avait estimé que tous les électromobiliens du département seraient devenus des abonnés au réseau, soit, selon le nombre de VE actuellement en circulation dans le département, 2.000 badges à délivrés. En septembre dernier, seulement 386 utilisateurs s’étaient inscrits au maillage du syndicat de l’énergie du Maine-et-Loire. Marketing insuffisant ? Propriétaires de VE hésitant à s’abonner car rechargeant leurs véhicules chez eux ? Poids de l’interopérabilité ? Comportement très spécifique des flottes d’entreprises ? La direction du SMIEL cherche à comprendre.

…ni en recharges

Le compte n’y est pas non plus en nombre de recharges : seulement 500 opérations enregistrées par mois, contre 3.000 envisagées. Emmanuel Charil rapporte : « Le réseau 22 kW est perçu comme un réseau de secours. Les bornes rapides connaissent une évolution beaucoup plus forte, car elles sont plus adaptées à l’itinérance ». Pour lui, la tarification au temps de connexion, inéquitable, a forcément un impact : « Avec les bornes 22 kW on se prive de la moitié du marché qui ne peut les exploiter à pleine puissance ». En outre il signale que le « parcours usager est encore perçu comme un peu compliqué, malgré l’ergonomie des bornes ». Il estime par ailleurs qu’il est impératif d’être « vigilant à ce qui est dit sur les réseaux sociaux, parce qu’une expérience négative a vite fait d’emporter l’opinion ». Prochaine étape pour le SMIEL : Créer une dynamique collective avec tous les syndicats départementaux de l’énergie autour de leurs réseaux de recharge.

Lot

Jean-Clair Fayolle, directeur général des services à la fédération départementale d’énergie du Lot (FDEL), apportait un tout autre éclairage. Son département très rural mais avec une vocation touristique, où les logements individuels représentent 85% de l’habitat, a fait le choix de s’équiper majoritairement en bornes rapides. Elles sont au nombre de 56, pour seulement 6 bornes 22 kW. Toutes sont alimentées en électricité par les énergies renouvelables. Pour le DG, « les bornes rapides sont les plus universelles. Nous avons pris en compte les récriminations des propriétaires de voitures électriques équipées de la recharge rapide », citant le cas de la Nissan Leaf qui, sur une borne 22 kW, ne recharge au mieux qu’à 7 kW du fait de son chargeur.

Révéo

La FDEL a fait des choix différents, s’attachant à développer l’itinérance et à favoriser la rotation rapide de la recharge. La fédération s’est regroupée avec 10 syndicats d’énergie d’Occitanie et les métropoles de Toulouse et Montpellier pour créer le réseau Révéo qui compte désormais 1.014 bornes 22 kW + 106 bornes rapides. A lui seul, le département du Lot compte à lui seul plus de la moitié des bornes rapides installées sur le grand territoire. Parmi les avantages distingués par Jean-Clair Fayolle dans ce regroupement, en plus d’avoir pu mener des appels d’offres communs pour les bornes et leur gestion : une grille tarifaire identique sur tout le maillage Révéo. Le DG a recensé quelques contraintes, pour l’implantation des bornes, qu’il a tenu à signaler : « trouver un emplacement central, dans les périmètres protégés, avec un poste de transformation du courant pas trop éloigné, une liaison 3G-4G pour que les bornes puissent communiquer ».

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