Dans une note d’analyse de 12 pages publiée hier, jeudi 20 juin 2019,
France stratégie, institution rattachée au Premier ministre et également appelé commissariat général à la stratégie et à la prospective, a chercher à lister différentes actions susceptibles d’accélérer en Europe la baisse des émissions de
CO2 causées par l’utilisation des
voitures particulières. Parmi elles, la proposition d’inclure le
poids des
véhicules dans le calcul du dispositif de
bonus-
malus est sans doute l’une des plus faciles à mettre en place pour des bénéfices observables rapidement. Ce point vise à casser la course à l’achat des
SUV et autres engins toujours plus lourds. Les
voitures électriques sont aussi en ligne de mire, du fait de batteries d’une capacité énergétique toujours plus importante.
Des émissions de CO2 qui ne baissent pas…
Signé par
Nicolas Meilhan, conseiller scientifique pour le département Développement durable et numérique chez
France stratégie, le document intitulé
« Comment faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures » rappelle l’urgence à inverser la vapeur au sujet des émissions de
CO2. Avec comme constat que les efforts réalisés dans le domaine des transports ne sont pas payants aujourd’hui. La feuille de route européenne, bien que particulièrement contraignante pour les constructeurs, ne suffira pas, et on le sait déjà. Les habitudes des consommateurs sont aussi à revoir. C’est en tout cas ce qui apparaît à travers l’argumentaire développé dans la note.
…Pourquoi ?
« Depuis 20 ans, les émissions de CO2 des voitures neuves en conditions de conduite réelle n’ont quasiment pas baissé », déplore
Nicolas Meilhan. Une situation qu’il explique d’abord par le pari de l’institution européenne de laisser aux constructeurs le soin d’imprimer eux-mêmes la bonne dynamique pour une baisse du CO2. Ensuite et surtout parce que le poids moyen des
voitures neuves a augmenté. En France, il a pris 10 kg par an sur une période de 50 ans, soit 500 kg depuis le début des années 1970. Cette courbe a annulé, et même dépassé celle des gains sur les émissions obtenus par
« l’optimisation des rendements des moteurs ou l’amélioration de l’aérodynamisme », assure l’auteur de la note. Un effet mode est pointé du doigt, celui qui tend à privilégier les
véhicules de type
SUV/cross-over. Un phénomène qui s’est également emparé du marché des
voitures particulières
électriques.
Jusqu’à 2,5 tonnes
Pouvant atteindre jusqu’à 2,5 tonnes sur la balance, soit 2,5 fois plus qu’une Renault Twingo, les
SUV vampirisent désormais le tiers du marché européen des
voitures neuves. Avec le recul du diesel, les effets pervers sur l’environnement du développement des
SUV s’accentuent encore, d’autant plus que la mobilité branchée peine encore à s’imposer. Il en résulte que les émissions de
CO2 mesurées en laboratoire ont augmenté en 2017 et 2018, pour la première fois depuis 25 ans.
« L’objectif européen des 95 grammes de CO2 en 2021 semble [donc] désormais difficile à atteindre », se désole
Nicolas Meilhan. Ces indicateurs l’amène à estimer que les constructeurs automobiles auraient à
« réduire de 10 g/km les émissions moyennes de CO2 de leurs voitures neuves, chaque année, pendant trois ans, pour espérer atteindre l’objectif européen ». Ce qui semble tout simplement irréalisable !
Les voitures électriques aussi
La prise de poids des
véhicules électriques est aussi pointée par
Nicolas Meilhan. Pour lui, le gain environnemental de la conversion du parc roulant français par des modèles branchés dépend aussi de leur
poids. Ce qui est d’autant plus vrai lorsqu’on s’intéresse, non pas seulement aux émissions de polluants et de
CO2 à l’utilisation, mais plus globalement à l’impact calculé sur le cycle de vie complet des
véhicules. Sur un VE, la batterie pèse pour beaucoup dans le bilan carbone complet. Plus sa capacité énergétique est grande, plus les émissions de
CO2 sont élevées.
« Résultat : aujourd’hui un gros SUV électrique peut émettre plus de CO2 sur son cycle de vie qu’une petite essence ! », rapporte
France stratégie.
Nicolas Meilhan illustre son propos avec un exemple particulièrement parlant. En France, actuellement, l’achat de l’Audi e-tron est aidé par une prime de 6.000 euros (+ autres dispositifs sous conditions). En Norvège, selon lui, avec un dispositif de
bonus-
malus qui prend en compte le poids des véhicules, le même engin aurait pu être sanctionné d’un malus de 10.000 euros. Il précise que ce pays est passé tout près d’adopter un texte en faveur de la suppression du rabais aux
véhicules électriques de plus de 2 tonnes.
Production propre
La note va encore plus loin en militant pour une production des
voitures électriques avec de l’électricité décarbonée.
Nicolas Meilhan envisage même d’encourager une construction locale pour ces
véhicules, en mettant en place
« une taxe carbone ajustée aux frontières ou, à défaut, de dispositions permettant de conditionner l’octroi des aides au respect d’une norme sur l’empreinte carbone associée à la production et au recyclage des voitures et de leurs batteries ». Selon le conseiller scientifique, ce sont de telles mesures qui ont permis en Chine l’émergence d’une filière particulièrement vertueuse dédiées aux automobiles
électriques. Le document donne d’autres pistes à suivre, parmi lesquelles : Mise au point de batteries avec une teneur en cobalt très limitée ; Développement d’une filière de recyclage des batteries ; Développement d’une filière de raffinage des métaux rares en limitant la pollution des processus, etc.

Posté le 21-06-2019 à 15:00:23 par Christophe
Un amendement allant dans ce sens a été proposé notamment par Delphine BATHO (Génération Ecologie / Urgence Ecologie) lors des débats de la LOM : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/1974/AN/1413
Je reprend uniquement l’exposé : "Cet amendement vise à enclencher une redéfinition des véhicules à faibles et très faibles émissions.
De plus en plus de dispositifs sont mis en place pour favoriser les véhicules dits « propres ». Cependant, les définitions des véhicules à faibles ou très faibles émissions ne tiennent compte pour l’instant que des émissions de CO2 à l’échappement, faisant fi, d’une part, des émissions d‘autres gaz à effet de serre (tels que le méthane) et, d’autre part, des émissions de polluants sur l’ensemble du cycle de vie, notamment les polluants locaux : émissions liées à la production des véhicules, au freinage, à l’usure, à l’abrasion... qui sont pourtant conséquentes.
Or les analyses de cycle de vie montrent que la part d’émissions relative à la production des véhicules a tendance à augmenter, notamment avec les véhicules électriques, du fait de l’extraction des matériaux rares nécessaires à la construction des batteries, ou encore à l’origine plus ou moins carbonée de l’énergie électrique nécessaire à leur fonctionnement.
Les définitions en vigueur désavantagent donc les véhicules fonctionnant au bioGNV notamment. Elles n’incitent pas, par ailleurs, au développement de véhicules électriques les plus vertueux, de poids et de puissance raisonnables, dont la batterie est moins consommatrice de ressources rares.
Cet amendement propose d’engager une réflexion sur notre conception du véhicule dit « propre », afin d’adopter les politiques cohérentes pour orienter le secteur automobile et rationaliser les aides publiques existantes vers des véhicules réellement moins polluants sur l’ensemble de leur cycle de vie. Un groupe de travail pourrait être créé afin d’aboutir à une définition satisfaisante à partir des travaux méthodologiques réalisés par l’Ademe.
Cet amendement a été proposé par le Réseau action climat."