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Voitures électriques. L’Allemagne s’inquiète de la dépendance à l’Asie Rédigé par Philippe Schwoerer le 17 Avr 2018 à 00:00 0 commentaires

Parmi les enjeux qui pèsent sur les ailes des voitures électriques en Europe, gagner en indépendance, notamment face aux pays producteurs de pétrole. Avec son développement fulgurant, l’Asie, – et en particulier la Chine -, est dans une position qui pourrait bien reproduire un tel scénario, en particulier avec les cellules des batteries de traction et les minerais rares qui les composent. Ministre allemand des affaires économiques et de l’énergie, Peter Altmaier a souhaité tirer un signal d’alarme en ce sens dans une interview accordé au quotidien Bild publié hier, lundi 16 avril 2018.

Concurrence au niveau des véhicules

La concurrence de la Chine, ou de l’Asie, en matière de mobilité électrique, existe à plusieurs niveaux. En premier, les véhicules. Si les trottinettes, scooters et vélo (à assistance) électriques chinois ont littéralement envahi les marchés européens depuis plus de 10 ans, d’abord avec des engins quasiment « jetables », mais désormais avec des productions plus convaincantes, leurs voitures, utilitaires et poids lourds ne sont pas encore nombreux a pouvoir être commercialisés en Europe. Mettons de coté les modèles japonais ou coréens Nissan Leaf, Mitsubishi i-MiEV et Kia Soul EV qui se vendent, chez nous, dans le cadre d’une concurrence classique, tout comme le sont les modèles thermiques. En Chine, en revanche, dopés de subventions, les constructeurs locaux se lancent dans un développement exponentiel de voitures, comaions et bus électriques, sous des marques peu ou pas connues en Europe, avec la ferme intention de gagner un jour notre continent et les Etats-Unis.

A double sens

Nombre d’industriels européens ont passé des accords avec les grands constructeurs chinois, sentant bien qu’il se joue en Chine de quoi maintenir ou développer leur activité. Combien de fois, par exemple, Renault ou PSA, mais aussi différents groupes allemands, ont-ils indiqué que le marché chinois, s’annonçait comme le plus important dans leurs perspectives d’avenir ? S’inquiéter de l’arrivée des voitures électriques chinoises en Europe, est certes légitime, mais ce n’est qu’un juste retour des choses ! Impossible de dire que leurs constructeurs ne jouent pas proprement ! Concernant les bus électriques, par exemple, les Chinois sont déjà des habitués des ventes annuelles à 5 chiffres. Pour arriver sur les marchés européens, ils passent également des accords. Ainsi Yutong qui s’est associé à la société alsacienne Dietrich Carebus, et Golden Dragon avec le néerlandais Ebusco. Quant à BYD, son implantation chez nous se matérialise par la construction d’une usine dans les environs de Beauvais (60). Après tout, la Nissan Leaf est bien construite en Grande-Bretagne et le e-NV200 en Espagne, procurant des emplois en nombre.

Concurrence au niveau des batteries

La commission européenne n’a pas attendu la prise de parole de Peter Altmaier pour s’inquiéter de la part prépondérante prise par les industriels dans la réalisation des batteries de traction pour véhicules électriques, lançant l’idée d’un plan stratégique dit « Airbus des batteries ». LG, Nec, Panasonic, Samsung… : ces fabricants de batteries bien connus sont asiatiques. A côté d’eux, un nombre impressionnant de concurrents chinois dont les noms ne sont pas encore dans les têtes, mais qui pèsent déjà pour environ la moitié en capacité de production. Une part qui ne fait que croître ! En Europe, nous comptons par exemple BMZ, Saft, et Forsee Power qui s’apprête à ouvrir une usine à Chasseneuil-du-Poitou (86), opérationnelle l’été prochain. Ce dernier n’a d’ailleurs pas caché que la relocalisation de l’unité de réalisation des packs, en particulier pour les modèles électriques d’Heuliez Bus, s’inscrit « dans le Plan Industrie du Gouvernement annoncé fin 2017, qui met l’accent sur le développement d’une filière batteries française ». Mais les cellules, qui vont composer les accumulateurs, viendront toujours, au moins au début, et sans doute plus longtemps, d’Asie, et plus particulièrement de Corée du Sud. En France, il y a aussi Bolloré, mais avec une technologie trop particulière et inaccessible aux autres constructeurs en voitures électriques, exception faite de Citroën qui diffuse sous l’appellation E-Méhari la Bluesummer disparue du catalogue de Blue Solutions..

Valeur ajoutée

Peter Altmaier a averti : « Il nous faudra nous faire à l’idée qu’une grande partie de la valeur ajoutée sera produite en Asie ou aux Etats-Unis, au lieu de l’être chez nous ». C’est ce qu’il prédit, si les constructeurs européens, et en particulier allemands, n’investissent pas rapidement et considérablement dans les voitures électriques et leurs batteries. Il évoque des enveloppes « à deux chiffres en milliards d’euros ». En implantant directement en Europe nombre d’usines pour fabriquer des voitures électriques et des batteries de traction, les industriels asiatiques acceptent qu’une partie de cette valeur ajoutée revienne sur notre continent. Déjà LG s’installe en Pologne, et Samsung en Hongrie. Un mouvement qui devrait s’accentuer ! Ce qui ne signifie pas que les entreprises européennes doivent négliger la fabrication des batteries. Car le risque de dépendance est réel, mais vient surtout des plus petits éléments que l’on trouve sur un véhicule électrique : les minerais rares sur lesquels la Chine pourrait bien verrouiller l’accès. Le vrai danger vient de là, qui impose 2 routes à suivre prudemment et avec pragmatisme : la diversification des technologies à l’œuvre dans les batteries, et la diversité des chaînes de traction susceptibles de répondre aux besoins en mobilité durable. GNV, hydrogène, bioGPL, etc. : aucune piste ne doit être négligée !

Le cas allemand

Longtemps, le gouvernement allemand n’a souhaité soutenir le développement des véhicules électriques par des aides. Ce n’est qu’à partir de janvier 2016 qu’un bonus environnemental jusqu’à 4.000 euros a été accordé. Le réseau de recharge, quant à lui, n’est pas convaincant. Plus encore qu’en France, les automobilistes n’ont guère l’envie de précéder l’appel ultime à passer à la mobilité électrique. Le gouvernement allemand semble réviser sa copie en s’activant à la fois sur le maillage en bornes de recharge et sur la fiscalité des véhicules électriques. Mais quand Peter Altmaier fait mine de ne pas comprendre pourquoi les constructeurs allemands concernés ont hésité aussi longtemps à investir massivement dans la mobilité branchée : à nous d’être étonnés !

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