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Daimler envisage l’évolution des batteries des véhicules électriques Rédigé par Philippe Schwoerer le 14 Avr 2020 à 00:00 0 commentaires

Responsable de la recherche sur les cellules de batterie chez Daimler, Andreas Hintennach a fait le point, lors d’une récente table ronde, sur l’actuelle technologie à l’œuvre dans les batteries lithium-ion et les alternatives possibles relativement rapidement. Il a aussi livré sa vision à plus longue portée. Son service s’active bien sûr à optimiser de façon continue la génération actuelle des systèmes de batteries lithium-ion. Il s’intéresse pour cela au développement des cellules disponibles sur le marché mondial. L’entité poursuit également des recherches sur les futurs accumulateurs. « Nous travaillons aussi sur le système de gestion de la batterie, qui est un ordinateur complexe que vous pouvez toujours améliorer. La gestion thermique est également un sujet important car il est responsable de la durée de vie ainsi que des performances de la batterie. Il faut vraiment comprendre le mécanisme des technologies pour pouvoir prendre les bonnes décisions », a-t-il détaillé.

Batterie lithium-ion

« Les batteries au lithium-ion sont le type le plus couramment utilisé dans l’électronique et les véhicules électriques aujourd’hui. Dans les années à venir, cette technologie continuera de donner le rythme », a assuré Andreas Hintennach. Il a ensuite rappelé le fonctionnement de cette technologie d’accumulateurs pour laquelle « la structure cellulaire est toujours similaire, qu’il s’agisse d’un téléphone portable ou d’une batterie de véhicules électriques ». Plus concrètement : « Il y a toujours deux plaques métalliques, à base de cuivre et d’aluminium par exemple. Entre les plaques se trouvent les 2 pôles (cathode et anode) au milieu desquels se produira la réaction électrique. Pour cela, un métal réactif tel que le lithium est nécessaire ». Le responsable chez Daimler cible la cathode (pôle positif de la batterie) comme partie la plus coûteuse dans une cellule. « Elle se compose d’un mélange de nickel, de manganèse et de cobalt. L’anode, elle, est constituée de poudre de graphite, de lithium, d’électrolytes et d’un séparateur ».

30-40% de CO2 en moins sur le cycle de vie

« Même si nous ne les chargeons pas avec de l’électricité neutre en CO2, les véhicules à batterie génèrent environ 40% d’émissions en moins au cours de leur cycle de vie par rapport aux modèles à moteur à essence, et 30% de moins que les diesel », chiffre Andreas Hintennach. Il envisage de bien meilleurs résultats avec 2 améliorations recherchées à travers le programme « Ambition2039 » : réductions des émissions de CO2 en phase de production et recyclage des matières premières de façon plus efficace. Aux personnes sceptiques sur une telle vision, il a rappelé que « la production du moteur à combustion s’est régulièrement améliorée au cours des 133 dernières années. La batterie et la pile à combustible, en revanche, génèrent actuellement plus d’émissions en raison de l’augmentation des besoins en énergie ». Il a cependant modéré : « Une partie des cellules des batteries pour la prochaine génération de véhicules de notre gamme EQ est déjà produite à 100% à partir d’énergies renouvelables ».

Recyclage

En prenant en compte dès le départ la recyclabilité, « la production de batteries fait partie d’une approche holistique, une boucle fermée qui répond au principe de l’économie circulaire », a mis en avant le cadre chez Daimler. « L’ouverture d’un marché opérationnel des matières premières secondaires pour l’Europe revêt une grande importance politique, car l’Europe n’a pratiquement pas de sources primaires », a-t-il souligné. Il entrevoit le lancement de ce marché parallèle « dans 8 à 10 ans, [quand] un nombre important de batteries de véhicules électriques pourront être recyclées ». Le groupe est déjà prêt à fonctionner selon ce schéma : « Nous sommes très bien préparés et les processus sont en place, tout comme les opportunités de retour des matières premières secondaires dans le cycle de production ». Parmi les premiers matériaux récupérés dans un premier temps : en particulier le cobalt, le nickel, le cuivre, et plus tard le silicium.

Introduction du silicium

« Le silicium remplacera largement la poudre de graphite à l’avenir. Ce qui nous aidera à augmenter la densité énergétique des batteries jusqu’à environ 20 à 25%. Le silicium nous permet d’utiliser des matériaux côté cathode qui ne sont pas compatibles avec le graphite actuellement utilisé », révèle Andreas Hintennac qui donne une autre utilité à l’emploi du silicium : « améliorer la vitesse de recharge » des cellules. La sécurité est également au cœur des recherches du service que dirige le scientifique. « Des modifications liées aux matériaux pourraient permettre d’obtenir une capacité supérieure, mais avec des compromis en termes de sécurité. Pour nous, c’est définitivement hors de question. Une Mercedes-Benz doit être la référence en matière de sécurité, et cela vaut également pour sa batterie », a-t-il illustré.

Diminuer la part du cobalt

Le cobalt est régulièrement associé à différents problèmes graves. Ainsi lorsque son extraction porte atteinte à l’environnement et viole les droits de l’homme. Ce qui a été mis au jour par divers organismes en particulier lorsque le cobalt provient de la République démocratique du Congo. En plus d’imposer à ses fournisseurs « des exigences strictes » en matière de développement durable et de transparence dans la chaîne d’approvisionnement selon les normes de l’OCDE, Daimler s’active à diminuer la part de ce matériaux dans les éléments qu’il emploie. « Avec la génération actuelle de cellules de batterie, nous avons déjà pu réduire la proportion de cobalt d’environ un tiers, à moins de 20%. En laboratoire, nous travaillons actuellement avec moins de 10% et la part devrait encore diminuer à l’avenir », a rapporté Andreas Hintennac.

Le manganèse en remplacement

D’autres raisons poussent à évincer le cobalt, et notamment d’un point de vue chimique. « Plus le mélange de matériaux est réduit, plus il est facile et efficace à recycler. L’énergie nécessaire à la production chimique est également réduite car le mélange est plus facile à produire », a justifié le responsable chez Daimler. Pour remplacer le cobalt : des matériaux à base de manganèse. Andreas Hintennac y voit plusieurs avantages : « une matière première moins gênante d’un point de vue écologique et plus facile à travailler », et « d’excellentes installations de recyclage déjà en place car il est utilisé depuis des décennies sous la forme de piles alcalines ». Il a estimé : « Nous prévoyons que la technologie sera prête à être commercialisée d’ici la seconde moitié des années 2020 ». Autre alternative : la batterie lithium-soufre. « Le soufre est un déchet industriel sans coût, très pur et facilement recyclable ; il possède un écobilan imbattable », a indiqué le scientifique. Il s’est cependant désolé : « Le soufre pose des défis importants en termes de densité énergétique, Cela peut prendre des années avant que cette technologie ne soit disponible pour les voitures particulières ».

Et le lithium ?

Le lithium, qui fait également l’objet de critiques, peut-il être remplacé ? « Ca peut. La batterie magnésium-soufre, par exemple, ne contient pas de lithium », a répondu Andreas Hintennac. « Le gros avantage est que le magnésium est disponible gratuitement, mais nos recherches sont actuellement cantonnées au cadre du laboratoire », a-t-il confié. Pas grand chose aujourd’hui pour remplacer les actuelles batteries lithium-ion. Sauf pour quelques applications. Le collaborateur chez Daimler a cité « les batteries à semi-conducteurs que nous utiliserons dans notre bus urbain Mercedes-Benz eCitaro dans la seconde moitié des années 2020 ». Il a détaillé : « La technologie a un cycle de vie très long et ne comprend pas de cobalt, de nickel ou de manganèse. Cependant, sa densité d’énergie est plus faible, ce qui la rend relativement encombrante et lente à charger. C’est pourquoi elle peut convenir aux véhicules utilitaires mais pas aux voitures particulières ».

Des pistes pour demain

« Il n’y a pas une seule technologie post-lithium-ion », est persuadé Andreas Hintennac. Il y voit un avantage majeur : ne pas se retrouver bloqué dans « une voie sans issue potentielle ». Parmi les nouvelles batteries à être au point relativement rapidement, celles « dans lesquelles le revêtement en graphite de l’anode peut être remplacé par de nouveaux matériaux tels qu’une feuille de lithium-métal ou une poudre de silicium ». Il a commenté : « Elles apportent une autonomie plus élevée et peuvent supporter la recharge rapide ». Il a ajouté : « Toutes les batteries à semi-conducteurs ont de grands avantages en matière de sécurité, mais nous travaillons encore sur leur recharge rapide et une durée de vie plus longue avant de pouvoir dire ‘c’est la technologie que nous devons apporter maintenant sur la route’ avec nos voitures particulières ».

Et peut-être à plus long terme

Andreas Hintennac a évoqué d’autres pistes mais qui ne sont pas à ce jour suffisamment développées et/ou prometteuses. En commençant par le lithium-soufre déjà cité : « Le remplacement du nickel et du cobalt des batteries d’aujourd’hui par du soufre augmenterait considérablement la durabilité. La densité d’énergie a également beaucoup de potentiel, mais la durée de vie n’est pas encore assez longue et il faudra un certain temps avant qu’il y ait une percée dans ce domaine ». Il a aussi donné son avis sur les batteries lithium-air : « Il n’y a vraiment que du lithium. Le reste – l’oxygène – vient simplement de l’air. Chimiquement, c’est un concept similaire à ce que vous avez dans une pile à combustible, où nous utilisons de l’hydrogène. La densité d’énergie serait exceptionnelle, mais cette technologie est encore assez loin ».

Graphène

Avec le concept Vision AVTR, Mercedes-Benz a voulu mettre en avant « une technologie de batterie révolutionnaire qui consiste en une chimie des cellules à base de graphène et qui n’utilise donc aucun matériau rare, toxique ou coûteux comme les métaux », s’est réjoui Andreas Hintennac. Et de citer une liste d’avantages impressionnante : indépendance aux ressources fossiles, recyclabilité à 100% par compostage, hautement compatible avec l’esprit de l’économie circulaire au niveau des matières premières, densité d’énergie exponentiellement élevée, capacité exceptionnelle de recharge rapide. « Les batteries organiques font actuellement partie de notre recherche fondamentale. Il faudra encore plusieurs années pour qu’elles puissent être implantées dans les véhicules Mercedes-Benz, mais le potentiel est là ! », a conclu le scientifique.

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